image1

Notre-Dame-des-Landes : aprĂšs le rassemblement du 15 avril

« Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacrĂ© des droits et le plus indispensable des devoirs ». 

– DĂ©claration des droits de l’Homme et du citoyen, 1793

—————————————————————————–

Notre-Dame-des-Landes, 15 avril 2018

Le 15 avril 2018, Zadistes, utopistes, Ă©cologistes, humanistes de toute la France et de bien au-delĂ  de nos frontiĂšres, se sont donnĂ©s rendez-vous Ă  la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Nous Ă©tions plus de 15 000, Ă  vouloir dĂ©fendre ce terrain d’expĂ©rimentation sociale et sociĂ©tale et Ă  nous insurger contre les mĂ©thodes d’action d’un gouvernement qui refuse le dialogue et prĂ©fĂšre la force pour imposer sa volontĂ©. 

J’avais vu Ă©normĂ©ment de choses sur la ZAD : interviews, reportages, images, rĂ©cits… oui, j’en avais vu des choses. Mais dans cette boulimie d’informations orientĂ©es tenant plus de la propagande que d’un vĂ©ritable dĂ©sir de renseigner objectivement, je sentais que le seul moyen d’y voir clair serait de m’y rendre, de voir les choses par moi mĂȘme, de construire ma propre vĂ©ritĂ©. 

Au cƓur de la ZAD

Au cƓur de la ZAD, j’ai vu la puissance d’une intelligence collective tĂ©mĂ©raire et vertueuse, prĂȘte Ă  se battre pour protĂ©ger ce thĂ©Ăątre de la rĂ©silience. J’ai vu s’amĂ©nager des moyens humains tenaces et inarrĂȘtables, prĂȘts Ă  reconstruire la vie sur les dĂ©combres encore frais de leurs projets en devenir. J’ai vu l’insatiable soif de libertĂ© et de bonheur donner Ă  tous les esprits libres la force d’ĂȘtre les derniers debout dans cette guerre d’usure.

J’ai vu des systĂšmes de gestion des ressources autonomes et Ă©cologiques; de savants assemblages (de ce que beaucoup considĂ©reraient comme des dĂ©chets) procurer Ă©nergie, ressources et habitat. J’ai vu une Ă©conomie de subsistance briller par sa simplicitĂ© et son efficacitĂ©. 

J’ai vu des milliers de personnes dĂ©fendre plus que leur propriĂ©tĂ©, une vision du monde qui s’Ă©lĂšve bien au-delĂ  de ce que chacun de nous peut vivre au quotidien. Un vĂ©ritable exemple de sociĂ©tĂ© de l’ĂȘtre. 

 

C’est ainsi que la dĂ©sobĂ©issance civile a pris tout son sens Ă  mes yeux, moi qui n’ai jamais contestĂ© une dĂ©cision, qui ai toujours suivi les rĂšgles. Comment aurais-je pu me contenter de regarder se briser cet atelier de l’altermondialisme en construction, tout en rĂȘvant moi-mĂȘme d’une vie auto-suffisante, sobre et heureuse ? A cet instant, la premiĂšre ligne m’a parue ĂȘtre le seul endroit oĂč j’avais rĂ©ellement ma place.

Au-delĂ  des conflits...

Au-delĂ  des conflits qui ont fait rage, de la pluie d’objets, de grenades et de lacrymos qui a rythmĂ© le dĂ©but de la journĂ©e; c’est dans le jeu, la musique, la danse, les chants, la rĂ©flexion, et le partage que s’est dĂ©roulĂ©e la fin de journĂ©e (Ah! On me souffle dans l’oreillette que les hostilitĂ©s ont reprit de plus belle aprĂšs ça, mais laissons mes souvenirs intactes. J’aime l’idĂ©e d’avoir laissĂ© un territoire en paix. #deni) Jouer au Molki Ă  quelques mĂštres seulement de la ribambelle de CRS venus exĂ©cuter les ordres du roi, il fallait oser ! Ici, aucune haine envers eux, tout le monde sait qu’ils ne sont que les instruments des dĂ©cisions de rĂ©pression du gouvernement.

Et maintenant...?

Et si, Ă  l’image des Grands voisins par exemple, on laissait le bon sens civil amĂ©nager cette zone oĂč tout reste Ă  faire. Et si nous offrions Ă  ces personnes dont le seul rĂȘve est de vivre en accord avec leurs valeurs, l’opportunitĂ© d’expĂ©rimenter un autre mode de sociĂ©tĂ©, oĂč dĂ©mocratie directe et participative, agroĂ©cologie, bonheur frugal et autosuffisance seraient les maĂźtres mots. Et si plutĂŽt que de les pointer du doigt nous nous inspirions de leur tĂ©nacitĂ©, de leur audace et de leur inventivitĂ©, pour construire le monde de demain.

Il est temps de cesser ce conflit coĂ»teux et sans fin, pour nous concentrer sur les vĂ©ritables problĂšmes de notre sociĂ©tĂ©. Les 3 millions d’euros qu’ont coĂ»tĂ© ces 10 premiers jours de conflit n’auraient-t-ils pas pu servir Ă  combler le manque cruel de personnel de santĂ© dans les EHPAD ? Est-il urgent d’Ă©touffer ces derniers souffles de libertĂ© qui jonchent encore le territoire français, oĂč se prĂ©pare silencieusement la sociĂ©tĂ© de demain ? Est-il nĂ©cessaire d’Ă©branler les rĂȘves de chacun pour apaiser le quotidien de ceux qui ne rĂȘvent plus ? 

———————————————

Je conçois que tout n’est ni tout blanc, ni tout noir, de chaque cĂŽtĂ©. Je ne vois ni Macron comme le diable, ni tous les Zadistes comme des anges. Ce que je peux dire par contre, c’est que ce que j’ai vu n’est pas de fruit de quelques anarchistes alcooliques qui ne font que se prĂ©lasser. C’est effrayant de voir que c’est ainsi qu’ils sont prĂ©sents dans l’imaginaire collectif, notamment Ă  cause du portrait que leur font les mĂ©dias. Je suis consciente des enjeux de propriĂ©tĂ© et de pouvoir mis en cause dans cette affaire, mais c’est davantage une bataille idĂ©ologique qui se joue ici. Et une chose est sĂ»re, ce n’est pas de cette façon que nous rĂ©glerons ce conflit. Seul l’Ă©change, l’Ă©coute, la mise en place d’un projet en coopĂ©ration  tenant compte des besoins et inquiĂ©tudes de tous pourra mettre un terme Ă  cette situation stĂ©rile.

PS : Un immense merci aux copains avec qui j’ai vĂ©cu cette journĂ©e inoubliable (et volĂ© cette photo, pardon A.) 

Tags: No tags

Comments are closed.