L’histoire de Circul’R, c’est celle de deux amis réunis par leur passion pour les océans et leur désir de les protéger. Mais c’est aussi l’histoire d’un constat; celui de François Galgani, expert des déchets marins Europe, qui les informa un jour que 80% des déchets des océans viennent de la terre, et qu’une fois qu’ils ont commencé leur dégradation dans la mer, il est très difficile de les collecter et de les valoriser. En comprenant que c’est en agissant sur les actions terrestres qu’ils pourraient avoir le plus d’impact, Raphaël et Jules décidèrent alors de partir à la recherche des initiatives qui germent aux 4 coins du monde, pour planter les graines d’un avenir meilleur, où les déchets seraient finalement perçus comme des ressources et non plus gaspillées. Après plus de 150 initiatives découvertes dans 22 pays différents, c’est plein d’espoir et d’énergie qu’ils se lancèrent dans le conseil aux entreprises.
Alors que le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire est en train de dessiner sa feuille de route « économie circulaire » (pour participer, c’est ici), je me suis dit qu’il était important de revenir sur les racines de ce concept trop souvent assimilé (à tort) au simple recyclage de déchets. Pour cela, j’ai eu le plaisir de poser mes questions à Jules lors d’une interview en bonne et due forme, parsemée de pédagogie, de bienveillance et d’espoir (oui, rien que ça). Une rencontre qui fait du bien.
L’économie Circulaire c’est quoi ?
J: L’économie circulaire, c’est penser l’économie comme un écosystème, faire en sorte que toutes les ressources soient utilisées de manière intelligente et qu’on arrive à une production nulle de déchets. Finalement l’économie circulaire c’est comment faire travailler l’économie comme la nature, donc arriver à un modèle où il n’y a plus de déchets, puisqu’il n’y a pas de déchets dans la nature. Et au delà de l’aspect environnemental qui était fondamental pour nous, on voyait que d’un point de vue économique ça pouvait intéresser les entreprises, les pouvait amener à changer et donc avoir un meilleur impact. Et on s’est dit que l’économie circulaire pouvait être un moyen de réconcilier environnement et entreprise.
Quel est le rôle de Circul’R dans cette économie ?
J : On a créé Circul’R en 2017, dans l’optique d’une part d’animer un réseau de startup de l’économie circulaire, pour les aider, leur amener ce qui leur manque : visibilité, fonds, et business. D’autre part, on anime des programmes d’innovation avec des grands groupes pour les aider eux, à devenir plus circulaire. On va trouver des solutions qu’ils peuvent mettre en place, en relation avec des startups de l’économie circulaire.
Est ce que tu penses qu’on peut intégrer l’économie circulaire dans notre consommation individuelle ? Comment ?
J : Oui bien sûr ! Chez circul’R on pense qu’il y a plusieurs acteurs qui peuvent avoir un impact sur l’économie circulaire :
- Les entreprises, notamment des grands groupes mais aussi les startups
- Les institutions publiques, qui par la législation et des incitations peuvent aussi agir
- Les ONG et associations
- Et évidemment, les consommateurs…
Donc le consommateur a clairement son rôle à jouer dans une économie circulaire. Il peut le faire à plein de niveaux. Il y a déjà toutes les démarches Zéro Déchet qu’il peut adopter et qui contribuent à la réduction des déchets à la source. [D’ailleurs, le Zéro Déchet inclut également toutes les démarches de prêts, de location, réparation et dons, qui permettent d’éviter les achats inutiles et de prendre part à l’économie circulaire en rallongeant le cycle de vie des produits].
Ensuite, on pense que le consommateur a un gros rôle à jouer dans son acte d’achat. On parle souvent de consomm’acteur d’ailleurs. Acheter des produits qui sont circulaires eux mêmes, c’est à dire des produits respectueux de l’homme et de l’environnement, ça donne un vrai message aux entreprises. Ça va faire évoluer celles qui ne le font pas vers quelque chose de plus circulaire et ça récompense aussi celles qui font l’effort. C’est pour ça qu’en tant que consommateurs, on ne doit pas hésiter à se poser des questions et poser des questions aux vendeurs sur l’origine du produit, comment il a été fabriqué, est-ce-qu’il est responsable…et faire ses achats en fonction des réponses. Et ça, ça peut s’appliquer à l’ensemble des produits qu’un ménage achète !
Est ce que tu penses que l’économie circulaire a le pouvoir de réduire les quantités de produits neufs créés par les entreprises?
J : L’économie circulaire a pour but de réduire la production, donc oui je pense que c’est possible ! Si on prend un exemple : Patagonia VS une entreprise de fast fashion. Je porte un pull Patagonia là, qui a une qualité telle qu’il va pouvoir durer 20, 25 ans. Quand il sera troué, je pourrai le ramener au magasin pour le faire réparer gratuitement. Ça va me permettre d’acheter bien moins de pull que ce que j’aurais acheté dans le fast fashion. Et donc effectivement, si on prend d’un point de vue global, si tout le monde faisait ça, on pourrait produire moins puisqu’on utiliserait la matière disponible.
Donc un rallongement du cycle de vie pour retarder l’obsolescence ?
J : Justement j’allais y venir. Un point important de notre consommation c’est l’obsolescence et notamment l’obsolescence programmée des produits, c’est-à-dire que certaines entreprises font exprès que leurs produits cassent ou ralentissent, pour les rendre obsolètes et que les consommateurs en achètent de nouveaux. L’économie circulaire lutte complètement contre ça en favorisant la réutilisation, la réparation, un choix de produits plus durables et de meilleure qualité. Elle naît aussi d’une fabrication plus durable, qui se fait sans détruire les écosystèmes, en utilisant les ressources qui sont disponibles, et en ayant des « déchets » [traités comme des ressources] qui ne vont pas avoir d’impact négatif sur la planète, voire potentiellement nourrir les écosystèmes.
Vous avez fait un tour du monde de l’économie circulaire, comment on se place en France ?
J : On a vu des initiatives dans tous les pays qu’on a visité, et on voit des différences entre pays développés et pays en développement, mais partout il y a de l’économie circulaire. C’est plus de l’économie de survie dans les pays émergents, c’est à dire qu’ils vont le faire par nécessité mais ils le font super bien. Ils ont de vraies connaissances d’entraide, d’utilisation et réutilisation très poussées. Dans les pays développés, elle va se faire de façon un peu différente, avec plus de technologie et d’innovation.
En France on a pas vraiment à rougir de ce qu’on fait en matière d’économie circulaire. Déjà, le terme et la définition d’économie circulaire sont rentrés dans la législation française. Il est donc reconnu par le gouvernement français comme un modèle économique viable et souhaitable. C’est un vrai symbole !
Pleins de startups françaises se lancent dans le domaine et ça c’est génial parce qu’elles sont ultra innovantes, agiles et portées par des gens qui ont de vraies convictions ! Ensuite, on a de grands groupes qui commencent à voir que les consommateurs s’y intéressent et que, d’un point de vue économique, pouvoir récupérer la matière permet de réduire les dépenses. 33 entreprises françaises qui ce sont engagées pour 100 engagements pour l’économie circulaire. On sent que c’est en train de bouger au niveau des grands groupes. Alors on est peut-être pas les plus avancés, mais on est quand même en train de donner un bon coup de fouet en France !
Un mot pour la fin ?
Avec Raphaël, on est revenus de notre tour du monde ultra optimistes. C’était une question qu’on posait d’ailleurs à tous les entrepreneurs : est ce que vous pensez que c’est possible de changer, qu’on va pouvoir vivre dans un monde en harmonie avec l’environnement …? En ayant vu toutes ces solutions quand même, on se dit que c’est génial, toutes les solutions existent, il faut juste les développer, faire en sorte qu’elles puissent éclore, changer la mentalité des gens ! En voyant tout ce travail et toute cette énergie, on pense qu’on va pouvoir changer les choses et faire en sorte que le monde, que l’Homme, arrive enfin à vivre en harmonie avec l’environnement. Et l’Homme fait partie de l’environnement il ne faut pas l’oublier. «We are nature», on n’est pas à part, et on l’a un peu trop oublié.
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Un grand merci aux co-fondateurs sur-motivés et inspirants de Circul’R qui ont pris de répondre à mes questions. Et croyez-moi, je les ai embêté bien plus que ça. Dans quelques articles, l’économie circulaire n’aura plus de secret pour vous !